La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
No Condé Nast Publications, Inc. 1981.
No Presses de la Cité/Éditions du Rouet, 1983
Édition originale : Charter Communications, Inc.
ISBN : 0-441-64426-0
ISBN : 2-258-01230-9
PROLOGUE
Un petit homme sec coiffé d’un feutre gris sortit du building de l’Amalgamated Press, une épaisse serviette à la main, et prit place dans la Cadillac noire où l’attendait le général Stewart LeMans de l’US Air Force.
Le chauffeur ferma la portière et retourna s’installer au volant. L’œil sur son rétroviseur, il glissa expertement la grosse automobile dans la circulation de Dupont Circle.
Le silence fut rompu par le général LeMans qui, se retournant, lança un regard par la lunette arrière et dit :
— Nous sommes suivis.
— Escorte de protection. Ce sont nos hommes, répondit le petit homme.
LeMans le fixa un long moment.
— Herbert, fit-il, vous êtes sûr de ce que vous avancez ? Absolument sûr ?
Une moue pincée se dessina sur la bouche sans lèvres d’Herbert Mandel, directeur administratif et responsable en second de l’AXE, le service le plus secret de l’US Intelligence.
— Sûr et certain, affirma-t-il avec un petit hochement de tête. Et si vous croyez que j’en tire de la satisfaction, vous vous trompez, LeMans.
— Bon Dieu de bon Dieu…, grommela le général en se tassant sur la banquette rembourrée. C’est… c’est incroyable…
La Cadillac venait de couper Connecticut Avenue et approchait de Lafayette Square. D’un doigt décharné, Mandel tapota sa serviette.
— Bien des gens auront du mal à le croire. Et pourtant…
Détaché au siège de l’OTAN en tant que conseiller, LeMans avait été rappelé la veille sur la demande expresse de Mandel et n’avait été informé de la nouvelle que le matin.
— Et qui est au courant en dehors de vous et moi ? questionna-t-il.
— Personne. Je tiens à rendre personnellement compte au Président avant d’aller plus loin.
— Il n’a donné aucun signe de vie ?
— Aucun. Voici plusieurs mois que je m’emploie à rassembler les indices. Je l’avais interrogé il y a environ six semaines.
— Et c’est pour cela qu’il a filé…
— Exactement, confirma Mandel.
Le chauffeur bifurqua dans Pennsylvania Avenue. Il fit encore deux cents mètres et vira pour engager son véhicule dans l’entrée de la Maison-Blanche puis s’arrêta en douceur devant le poste de garde. L’escorte poursuivit tout droit et alla se ranger à l’angle de la rue.
Mandel actionna la vitre électrique, exhiba une carte officielle et annonça :
— Nous sommes attendus par le Président.
— Très bien, Sir, dit le garde en esquissant un salut.
Quelques secondes plus tard, les grilles métalliques s’ouvrirent et la voiture pénétra dans l’enceinte.
Les deux hommes furent immédiatement reçus dans le Bureau Ovale. Mandel ouvrit sa serviette et étala sur la table de travail présidentielle une demi-douzaine de documents portant l’en-tête : ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD. ULTRA-CONFIDENTIEL. DIFFUSION RESTREINTE.
— Ce lot est le dernier en date, monsieur le Président, déclara-t-il. Comme vous pouvez le constater, tous ces documents font partie de la série 700.
Visiblement, LeMans ne s’attendait pas à ce coup de théâtre. Il resta un instant sans voix, le regard rivé sur les feuilles de papier.
— Reconnaissez-vous ces pièces, Général ? demanda le Président.
LeMans releva les yeux.
— Oui, monsieur le Président, dit-il. C’est… confondant.
— Ces documents sont bien classés top secret, n’est-ce pas ?
— Oui, monsieur le Président, fit à son tour Mandel.
— Et où ont-ils été retrouvés ?
— À Paris. Sur le corps d’un courrier du KGB, répondit le petit homme.
Il feuilleta plusieurs liasses, cherchant l’emplacement des signatures. Le Président suivit des yeux les mouvements de son petit index parcheminé, puis demanda :
— Quelles sont précisément vos conclusions, Mandel ?
— Que David Hawk, directeur de l’AXE, vend ces documents aux Soviétiques, monsieur le Président. Et, d’après ce que j’ai pu établir, ce commerce dure depuis un an et demi.
Le Président s’assit, fit pivoter son fauteuil vers la porte-fenêtre et laissa son regard errer sur la roseraie.
— Monsieur le Président, reprit Mandel, j’estime qu’il faut agir de toute urgence !
CHAPITRE PREMIER
— Nous allons nous poser dans quelques minutes à l’aéroport national de Washington, annonce une voix d’hôtesse filtrée par un sirupo-diffuseur électronique. Mesdames et messieurs les passagers sont priés de bien vouloir éteindre leurs cigarettes et attacher leurs ceintures. La compagnie Southern Airways vous remercie de l’avoir choisie et vous souhaite un agréable séjour dans notre capitale.
J’écrase sagement ma NC dans le mégotier de l’accoudoir et je laisse ma pauvre nuque fatiguée prendre un peu de bon temps contre l’appuie-tête. Comment vais-je lâcher le morceau à Hawk ? C’est la deux cent quatre-vingt-dix-septième fois que je me pose cette question. Et elle se termine toujours sur le même point d’interrogation. Et puis bof… Avec ou sans gants, de toute façon, il le prendra mal, c’est sûr.
Une autre chose est sûre : avec la bombe que je m’apprête à faire péter dans le siège de l’AXE, les cancans de bureau vont avoir de quoi s’alimenter pendant un bon bout de temps. Et, malgré les vœux de notre charmante hôtesse, je sais que mon séjour à Washington sera loin d’être agréable. Quant au voyage, n’en parlons pas… Un calvaire ! Oh, je n’en veux pas plus à la Southern Airways qu’à une autre compagnie mais, avec cette nouvelle manie de fouiller tout le monde, je suis obligé de laisser mes armes dans la soute à bagages et je ne supporte plus de prendre l’avion. C’est bien simple, je me sens tout nu. Et, sur des sièges en skaï, ça n’est pas le grand confort…
Ça fait quelque chose comme six semaines que ma belle mécanique à cogiter est occupée à temps plein par des considérations intéressant les deux personnes qui tiennent la tête de mon hit-parade amoureux. À savoir, moi-même et Kazuka Akiyama, une demoiselle que j’ai connue à Tokyo.
Kazuka… adorable Kazuka. Elle était fiancée à l’un de mes meilleurs amis, Owen Nashima, directeur des opérations de l’AXE au Moyen-Orient. Il y a quelques années, Owen s’est fait liquider et Hawk m’a chargé de l’enquête. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Kazuka. D’abord, j’ai simplement cherché à la réconforter, parole de scout ! Et puis, de fil en aiguille…
Qu’est-ce qui me tombe dessus ? Je n’en sais rien. Toujours est-il que j’en pince comme jamais. Elle me hante. Je la vois, délicieuse à croquer, devant le petit temple shintoïste, près de chez son oncle. C’est là qu’on a fait connaissance. Quand je dis qu’on a fait connaissance, on a fait connaissance. À fond. Ça nous a pris cinq jours pleins. Et cinq nuits.
Où j’en étais, déjà ? Ah oui. La semaine dernière, je l’ai appelée à Tokyo, où elle dirige l’antenne de l’AXE. Vous me croirez si je vous dis que je lui ai demandé sa main ? Non, bien sûr, ça n’est pas du N3, ça. C’est pourtant la vérité vraie, parole de moi ! Y a plus de N3. Fini. Vous allez bientôt le rencontrer dans les grands magasins, au rayon layette, en train de regarder les prix.
Et si encore elle avait eu le bon goût de m’envoyer balader… Mais pas du tout. Je devinais ses larmes zaux zyeux quand elle m’a répondu d’une voix zémue :
— D’accord, Nick. À une condition seulement. Mais j’y tiens.
— Je t’écoute, ma geisha d’amour. Tu sais que je suis prêt à tout pour toi.
— Voilà : on lâche le business tous les deux.
Et pan ! Gobe ça ! Sur le coup, ça m’est resté un peu en travers et je n’ai rien répondu. Et puis, tout doucement, ma manufacture à coups de génie s’est remise à produire, et je me suis dit : « Bon sang mais c’est bien sûr ! C’est ça que tu attendais, Nick ! Et rien d’autre. » Voilà où j’en suis. Je crois qu’elle a raison, ma petite poupée nippone. Ça commence à bien faire. Je me suis payé plus de cent tours du monde. Et pas en touriste. Combien de fois ai-je failli décrocher une médaille posthume ? Impossible à dire. Combien de croque-morts me doivent leur prospérité ? Je n’ose même pas essayer de le savoir.
En plus de ça, au check-up de l’an dernier, le toubib de l’AXE m’a passé aux rayons X des doigts de pied à la racine des cheveux et m’a déclaré en se marrant que ça lui faisait penser à une termitière. Je me suis marré aussi. Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Seulement je me disais que l’heure de la retraite sans flambeau était peut-être arrivée…
Revoilà Kazuka qui vient se promener devant moi en panavision. La vache ! Ça me cogne partout en dedans. Et puis pouf ! court-circuit et c’est la tête de Hawk qui apparaît. Beuh… malgré toute l’estime que j’ai pour le boss, c’est quand même beaucoup moins enthousiasmant.
— Très bien, Carter, me dit-il. Si c’est ce que vous voulez, allez-y, partez ! Je ne peux pas vous retenir. Sachez seulement que vous me décevez beaucoup et que je ne veux plus jamais entendre parler de vous.
Bon Dieu ! Et voilà le célèbre N3 qui se met à transpirer comme un gras-du-bide dans un sauna…
Les pneus du DC9 frappent le revêtement de la piste. J’ouvre les paupières. Et la question est toujours là. Hawk ou Kazuka ? Quand même, si je commence par accepter ça d’elle, jusqu’où ça va aller ? Est-ce que ça n’est pas mettre le doigt dans l’engrenage ?
Je suis en train d’agiter tout ça dans ma pauvre tête malade en traversant la zone d’embarquement bourrée de passagers qui attendent qu’on leur ait vidé l’avion. Je me dirige vers l’arrivée des bagages un peu comme un zombie, sans faire attention à ce qui se passe autour de moi. Erreur, Nick. Jusqu’à nouvel ordre, tu es encore le tueur d’élite N3 et tu aurais dû repérer ce grand type qui s’écarte de la foule et te fonce dessus avec une canne à pommeau ouvragé.
— Monsieur Carter ! Monsieur Carter !
Je me retourne. L’hôtesse court à ma rencontre en me tendant un bouquin que j’ai oublié dans l’avion.
Et vlac ! La voilà qui embrasse le type à la canne. L’ennui c’est que ce n’est plus une canne qu’il a dans la main mais une longue épée effilée.
Le type essaie de l’écarter. Elle le regarde avec de grands yeux ronds. Il la pousse d’un coup sec mais elle perd l’équilibre et lui tombe dans les bras. Qu’est-ce qui lui passe par la tête ? Il panique ? Il pense qu’elle cherche à s’interposer ? En tout cas, il lui plante sa lame dans le corps.
— Monsieur Carter…, bredouille encore la fille.
Puis ses jambes se dérobent sous elle. Elle tombe.
Le tueur fait demi-tour et déguerpit comme s’il avait le feu aux fesses. Et il l’a, par mon intermédiaire. Manque de chance, une demi-douzaine de curieux attirés par le foin rappliquent sur les lieux. Je me retrouve nez à nez avec une impressionnante dondon. J’essaie de l’esquiver par la droite mais c’est justement de l’autre côté qu’elle comptait me libérer le passage. Un bang supersonique dans mes oreilles et je me retrouve en train de flirter avec la matrone au milieu d’un fatras de sacs de boustifaille en papier brun.
Le temps de m’extraire et de me remettre les yeux en face des trous, l’autre a disparu. Je sais que ce n’est pas la peine de le chercher dans le terminal bondé. Je retourne vers l’hôtesse.
Un agent au sol de la compagnie est déjà là. Il l’a prise dans ses bras. De grosses larmes coulent de ses yeux éberlués.
— Susan… Susan, sanglote-t-il, la voix étranglée. Mais pourquoi ? Pourquoi ?
Inutile d’aller regarder de plus près. Elle est morte. Le fer lui a visiblement traversé le cœur. De toute évidence, le repasseur à la canne-épée n’est pas venu ici pour refroidir une belle hôtesse. Normalement, c’est moi qui devrais être par terre, étalé dans une flaque de sang.
Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir tiré cette conclusion car on commence à me reluquer avec un mélange de crainte et de curiosité.
La police va arriver d’un instant à l’autre et je n’ai aucune envie d’être la vedette de la corrida qui va suivre. Les gens qui n’ont pas l’habitude de ce genre de situation mettent toujours un bon moment à réagir ; je le sais par expérience. Aussi, je me fais la tronche du badaud qui en a assez vu et je m’éloigne dans le couloir.
Comme je m’y attendais, personne n’intervient. Quand les enquêteurs seront là, ils auront droit à une douzaine de descriptions différentes de moi et de l’homme à la canne.
Quant à moi, j’ai eu largement le temps de le photographier avant qu’il ne s’éclipse. Il a une tête que je ne suis pas près d’oublier. Des traits massifs et sinistres. J’ai aussi remarqué ses sourcils épais et ses yeux enfoncés. Un Balte ? Un Hongrois ? Un Allemand de l’Est ? Peut-être même un Soviétique européen…
Un flic passe en courant, suivi d’un autre qui cause dans un talkie-walkie avec un débit qui ferait blêmir d’envie un commissaire-priseur de foire aux bestiaux. Une seconde plus tard, j’ai franchi le poste de sécurité de la zone d’embarquement et je prends l’escalier roulant qui descend vers le hall.
À mi-chemin, je mets ma cravate dans ma poche et j’enlève ma veste, que je pose négligemment sur mon avant-bras. Puis je me colle des lunettes de soleil sur le nez. Même si, par un hasard extraordinaire, un des témoins donne un signalement à peu près correct, ce léger changement va me permettre d’être tranquille le temps de récupérer mes bagages et de prendre un taxi.
Je viens tout juste d’arriver en bas quand je repère Herbert Mandel, le second de Hawk, en train de tailler la bavette avec un type de la sécurité de l’aéroport. Il se retourne, me voit et me fait signe.
Ça fait dix ans que Mandel est entré à l’AXE. D’après ce que je sais, il sortait de Harvard et a été pistonné par Henry Kissinger dont il est l’ami. Pendant un temps, il a dirigé le service du personnel, puis la supervision des services et il a fini par être nommé directeur-adjoint des opérations. C’est le sous-dabe après Hawk.
A priori, je n’ai rien contre lui, mais ça n’a jamais vraiment accroché entre nous. Je crois que ça remonte à l’époque où il était à la tête du service du personnel et se croyait obligé de pinailler sur ma façon de dépenser les sous de l’AXE.
Mandel finit par me rejoindre et on opère la jonction par l’intermédiaire d’une poignée de main.
— Content de vous revoir ici, Carter. Avez-vous fait bon voyage ? demande le petit bonhomme.
Moi, je me demande pourquoi il est venu m’attendre. Mais j’ai d’autres soucis pour l’instant que de lui poser la question ou de lui confier mes impressions sur le vol.
— L’accueil a été un peu dur. Un individu a essayé de me faire la peau.
Mandel devient bleu comme un Schtroumpf. Il se hausse sur la pointe des pieds et jette un coup d’œil par-dessus mon épaule.
— Il a filé, dis-je. Mais il a tué une jeune hôtesse qui se trouvait entre nous. Dès que nous serons au siège, j’établirai une fiche signalétique et je ferai un croquis descriptif. Ce salaud ne s’en tirera pas comme ça, c’est moi qui vous le dis ! Il se passe quelque chose de spécial dont vous venez m’informer ?
C’est à ce moment-là seulement que je remarque les traits tirés de Sa Majesté. C’est comme ça qu’on l’a surnommé dans le service, à cause de ses initiales. Chez nous, HM, ça veut dire His Majesty.
— Quelque chose de très spécial, répond-il. Mais ne restons pas ici. Ma voiture attend dehors. On fera suivre vos bagages.
Sans plus d’explications, il démarre vers la sortie. Je lui emboîte le pas. Une curieuse sensation commence à me tire-bouchonner les boyaux. Qu’est-ce qui se passe encore par ici ? Je ne sais pas, mais j’ai dans l’idée qu’il va y avoir du vilain…
*
* *
— Que savez-vous sur l’OTAN ? questionne Sa Majesté dès qu’on s’est posés sur la banquette arrière de sa limousine.
Intrigué, je le défrime du coin de l’œil. Est-ce qu’il a l’intention de jouer à vingt questions avant d’annoncer la couleur de la mission qu’on entendait me confier ? Je réponds quand même. Histoire de voir.
— C’est l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, Chef. Le Pacte Atlantique a été conclu en 48, je crois.
Il a horreur qu’on l’appelle chef. Je rigole dans ma barbe en le regardant froncer les sourcils. C’est bête mais ça me change un peu les idées.
— En 49, rectifie-t-il d’un ton sévère.
— Très juste, Chef. Notre agent de liaison là-bas est Bob Burns. J’ai fait équipe avec lui il y a quelques années. Un type comme ça !
Mandel approuve d’un hochement de tête renfrogné.
— Mais l’organisation proprement dite ? Qu’en connaissez-vous ?
Ça commence à titiller sérieusement le baroudeur endormi, toutes ces petites questions. J’ai comme qui dirait l’impression que je vais repiquer au truc. Oh, juste une toute petite dernière fois… Ça ne mange pas de pain…
— Pas grand-chose, fais-je. Les grosses huiles de l’organisation forment ce qu’on appelle le Conseil de l’Atlantique Nord. En dessous, il y a le Secrétaire-Général de l’OTAN, son équipe, et puis la Commission militaire. Ma science s’arrête à peu près là, Chef.
— Et les documents classés ? interroge le sous-dabe.
Je hausse les épaules.
— La série 100 concerne la coopération avec le bloc communiste. La série 200 la répartition des forces armées de ce même bloc communiste…
Il me coupe.
— Et la série 700 ?
Là, je déglutis une demi-douzaine de fois et je me tourne vers lui avec des yeux en boules de loto. Une petite goutte de sueur perle au-dessus du trait gris qui lui sert de lèvre supérieure. Je ne peux pas m’empêcher de penser que, s’il est amateur de tequila, il ne doit pas avoir besoin de réclamer la salière. Hop ! un petit coup de langue et ça remplace. Je reviens vite à la gravité de la situation :
— C’est la plus importante, Chef. Les numéros inférieurs concernent la puissance de frappe nucléaire de l’OTAN, et les chiffres supérieurs la capacité des États membres à soutenir une agression atomique.